Manchette, La Position du tireur couché
Le roman noir a ici la forme creuse d’une surface salie, sans intériorité, sans ce rouage qui enferme la conscience sur elle-même : la déchèterie est à l’air libre. C’est comme si le personnage, l’atmosphère, le crime se disent tout entiers à leur surface. Comme un trou noir. Que ça soit celui d’un .38 ou d’une étoile qui se fracasse sur elle-même. C’est toujours une histoire de corps qui chute. De gravité mal traficotée. De la position couchée d’un corps qui tente de faire chuter tous les autres corps, mais qui ne peut pas éviter sa fatalité propre. Cette fatalité qui ramène irrémédiablement dans le cloaque des origines. Avec cette forme sphérique des impasses, légèrement écrasée. Comme une balle, comme une planète. On finit avec du plomb dans la tête, à danser sur des tables, tout à côté de la tombe, tout à côté du berceau où l’on a vu le jour. Ce jour et sa couleur de sang, son odeur de cordite.
Réf.
Jean-Patrick Manchette, La Position du tireur couché, Gallimard, 1981.