10:01

Jesi, Spartakus

En deçà de la révolution, la révolte. Mais au-dessus de la révolte, le trop lointain. Ce qui en fait de la rêverie bourgeoise, une sorte de suspension du temps, tel un divertissement d’un temps autre. Celui des vacances ou de la manifestation et de ses colères évanescentes. N’y a-t-il que du divertissement, du divertissement et son étymologie dans la révolte ? Et dans l’étymologie du mot « révolution », n’y a-t-il qu’un soubresaut songeur qui se sert des classes, celles qui sont toujours en deçà de la révolution, de la révolte, du discours bourgeois, ou du discours bourgeois devenu révolté, voire révolutionnaire ? N’y a-t-il plus rien de l’espoir et de la volonté dans l’acte de se soulever ? N’y a-t-il plus de possibilité d’action pure, possibilité de la brèche et du changement quand la machine de l’époque dicte sa norme à nos inconscients ? Cette machine qui ne s’intéresse plus ni à l’hier ni au demain, mais gronde déjà dans un langage que seul l’après-demain entend. La révolte pour se faire révolution ne devrait-elle pas elle aussi s’adresser à l’après-demain ? Quand cette machine fantasmagorique de notre temps ne cherche plus à se faire mythe, mais devient l’assise de la réalité tout entière, qu’est-ce qui distingue la continuité de la discontinuité, la machine du dysfonctionnement de ses rouages ? Mais le divertissement nous rattrape. Nous nous droguons aux fruits de la machine. Nulle frontière ne subsiste entre ce qui n’est pas la machine et la machine elle-même. Comment fomenter dans cette totalité artificielle un contre-mythe de la dysfonction ? Pour que ce mythe-là se place loin de la vie des choses, et qu’il vibre de fêlure dans la carcasse du présent. Qu’il vibre pour l’après-demain, pour un après-demain radicalement autre.

Réf.

Furio Jesi, Spartakus. Symbolique de la révolte, trad. Fabien Vallos et Antoine Dufeu, éditions de la Tempête, 2016.

[.txt]