Cronenberg, Naked Lunch
Kafka high, Ornette Coleman dans la cervelle, on tapote sur la carapace du cafard pour creuser notre cauchemar d’écriture. Burroughs, un peu naked, qui se fait Apollon inversé, se pâme de drogues jusque dans notre espoir de jouissance. Extase pour ecstasy dans le corps lisse qui miroite dans les bruns de la blatte. Black meat dans la veine, et les veinules de l’interzone qui se tendent comme un piston en mal de sa substance. Pour héroïne, une machine crevée. Cafards et mille-pattes qui s’écharpent ce qu’il reste de nos neurones. Avec leurs branches métalliques pleines des crasses de la création. Liquide queer et gris de notre perdition, spirale brisée comme le ressort d’une Remington. E. Remington and Sons pour faire roi et princes, industrieux de revolvers et d’écriture, jusqu’à nos déviances. Queer des mises à mort du soi. Queer jusqu’à la moelle des tentacules crâniennes. Il joue à tirer sur sa femme, invitée par sa femme pleine des poudres d’extermination, deux fois, et deux fois échoue à briser le verre sur sa tête, deux fois touche un petit point du front, mais nulle cervelle, nul sang, comme s’il fallait faire de l’allégorie une évidence, évidence qui souligne a contrario le si cher body horror de nos amis rampants d’écriture. Aucun sang ne coule de la plaie crânienne, alors que les machines à écrire demeurent dégoulinantes de corps et de rouge.
Réf.
David Cronenberg, Naked Lunch, 1991.